Les chroniques de Nolwenn
L’épreuve psychologique de la séparation, par Christèle ALBARET

14 mai 2018

Rencontre avec…

Pour satisfaire à notre engagement de conseil auprès de nos clients, nous collaborons avec des professionnels dont le travail nous permet d’enrichir et de faire évoluer notre pratique. Avec cette nouvelle rubrique, nous vous proposons d’aller à la rencontre de certains d’entre eux.

Expert en psychologie, coaching et socio-sexologie, Christèle Albaret partage son temps entre les consultations à son cabinet privé et des interventions médias, elle collabore notamment avec Faustine Bollaert sur France 2 dans l’émission « ça commence aujourd’hui ».

Une séparation, est une épreuve psychologique avant d’être une épreuve juridique. Qu’est-ce qui se joue pour les personnes qui se séparent ?

Ce qui se joue en premier : la peur 

La peur de ne plus pouvoir aimer, la peur de ne plus pouvoir se reconstruire, la peur d’être abandonné, la peur d’être rejeté, la peur de perdre le lien avec ses enfants, la peur de ne pas s’en sortir financièrement, la peur de perdre ses habitudes, la peur d’imaginer son partenaire mieux sans soi…

Les couples qui se séparent vont chacun traverser leurs peurs d’une façon qui leur est propre, en fonction de leur histoire de vie, de leur héritage du passé (ex : couples ayant eux même vécu la séparation de leurs propres parents), de leurs croyances mais aussi de leur personnalité et de la façon dont les conflits précédant la décision de la séparation du couple a plus ou moins abimé l’un ou l’autre ou les deux.

Tant que le sentiment de peur est en phase « haute » (à son pic), la personne est en mode « mécanisme de défense » et va fonctionner en mode réflexe pour essayer de se protéger. Certains utilisent l’attaque, d’autres la fuite ou la résignation, d’autres encore vont essayer de naviguer en eaux troubles. Ces mécanismes ne sont pas calculés, ils résultent des priorités de notre cerveau pour tenter de faire face à une situation vécue comme un danger et donc de calmer la peur.

Ce qui se joue en parallèle : la frustration, la colère pour certains et la culpabilité pour d’autres mais aussi le soulagement.

La frustration et la colère sont souvent les conséquences de ce qui a été accumulé comme ressentiments dans les derniers mois, voire les années précédant la séparation. Elles sont le signe d’un besoin insatisfait ; ce besoin est propre à chacun : besoin d’attention, besoin de confiance, besoin de sécurité, besoin de reconnaissance, besoin de respect, besoin de considération, besoin d’amour, besoin de fidélité… Lors de la séparation, ces besoins insatisfaits et le sentiment associé sont en première ligne sur le banc des reproches.

La culpabilité interroge la morale, les valeurs, l’engagement qui peuvent être mis à mal lors de la séparation (je m’étais engagée pour la vie, j’ai failli, que vont penser de moi mes enfants, ma famille ?). Elle peut parfois inhiber ou modifier les prises de décision à opérer dans le cadre de la séparation.

Le soulagement, enfin, est le signe que l’on pose des actes, que l’on agit dans le présent sur le passé pour se construire un nouveau chapitre de vie, une forme de point de départ pour un chemin de résilience qui s’offre. C’est aussi le passage pour tenter d’enterrer la hache de guerre, en donnant du sens à la séparation.

Une séparation engage un processus de changement dans la vie des deux personnes qui composent le couple. Il s’agit d’engager un processus de deuil du couple que l’on était et de la personne que j’étais dans ce couple pour construire un nouveau départ. C’est le deuil du passé pour construire un nouveau présent.

Ce processus de deuil est inéluctable et chacun passera les différentes étapes à son propre rythme. Cela peut être plus long pour certains que pour d’autres. Parfois un travail d’accompagnement thérapeutique est nécessaire pour passer cette épreuve et permettre une pleine résilience.

Qu’est-ce que la justice peut/doit leur apporter ? Doit-elle, selon vous, prendre en compte la dimension psychologique ?

L’avocat ne peut ignorer la dimension psychologique de son client au risque de passer à côté de ses besoins. Pour lui offrir le meilleur service et conseil, l’avocat ou le professionnel de justice doit donc être dans une « écoute active » permettant au client de formuler ses besoins. Quand je parle d’écoute active, il s’agit de traduire le sentiment de colère, de peur, de blessure, de plainte ou de reproche en besoin. Par exemple, « il m’a trompé, je veux lui faire payer », n’est pas un besoin, mais l’expression d’une blessure. Le besoin c’est celui d’obtenir réparation. La valeur ajoutée de l’avocat est donc d’arriver à traduire le « vrai besoin » de son client.

En permettant dans un premier temps à son client de déposer son ressenti, il lui permet d’avancer ensuite avec plus de facilité et d’efficacité sur des éléments plus rationnels du dossier.

A contrario, il n’est pas du ressort de l’avocat ou du professionnel de justice de prendre en compte la dimension psychologique de son client dans le sens du « soin ». Pour cela, quand il sent son client particulièrement envahi émotionnellement, il conseille généralement de réaliser un travail thérapeutique en parallèle, de façon à permettre au client de prendre un peu de distance sur les évènements quand il est dans le cabinet de l’avocat, ce qui lui permet de se concentrer plus sur ses besoins dans le cadre de la séparation avec la bonne mise à distance émotionnelle.

Nous avons parlé, dans une précédente chronique, de la notion d’altérité, de la nécessité de prendre en compte l’autre et ses besoins. Une aide psychologique peut-elle être bénéfique ou nécessaire ?

Une aide psychologique peut être extrêmement bénéfique que ce soit en suivi individuel ou même dans le cadre d’une thérapie de couple. La thérapie de couple permet pour certains de redonner les clés pour reconstruire son couple et vivre mieux ensemble. Dans le cadre d’une séparation, engager un travail de thérapie de couple en séparation permet de donner du sens à la séparation, et donc de se quitter avec beaucoup plus de sérénité et moins de peur, ce qui évite beaucoup d’effets secondaires : manipulation, jeux de pouvoir, enfants pris en étau …

Dans tous les cas, une aide psychologique permet de réaliser le processus de deuil dû à la séparation de façon souvent plus rapide et surtout de façon plus équilibrante, en évitant un maximum de cicatrice.

Que pensez-vous des approches non contentieuses telles que les modes amiables de règlement des différends (MARD)? Le cabinet Nolwenn Leroux pratique le processus collaboratif. Est-ce une réponse intéressante selon vous ?

En qualité de thérapeute, que ce soit en thérapie individuelle ou de couple, ayant pour objet une séparation, je constate depuis plusieurs années les effets bénéfiques du processus collaboratif et je le recommande à mes patients lorsque la séparation est leur décision.

Le processus collaboratif rejoint pleinement notre démarche thérapeutique visant à trouver les moyens d’une résolution ou les besoins de chacun sont pris en compte et respecté. Le processus collaboratif favorise un processus de deuil salutaire et la résilience.

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