Les chroniques de Nolwenn
La négociation raisonnée

31 mars 2016

Le colloque de l’Association française des praticiens du droit collaboratif (AFPDC) s’est tenu les 10 et 11 mars derniers. A cette occasion, j’ai animé un avec Sylvie ADIJES* atelier sur la négociation raisonnée, l’un des outils utilisé dans le processus collaboratif, mais aussi et surtout une méthode pleine et entière de négociation. Voici quelques éléments de compréhension.

La négociation raisonnée a été inventée dans les années 70 par deux professeurs de droit à Harvard : Roger Fischer et William URY, fondateurs du Harvard Negociation Project. Cette technique de négociation, qui a été utilisée pour la première fois au niveau international lors des accords de Camp David en 1978 et qui a permis d’aboutir aux accords de paix en Irlande, est aujourd’hui enseignée dans les plus grandes écoles. Elle repose sur 4 points essentiels : 1) séparer la relation du différend, 2) négocier sur des intérêts et non sur des positions, 3) utiliser des critères objectifs, 4) imaginer des solutions procurant un bénéfice mutuel.

Cette technique permet de négocier autrement et d’aboutir à des solutions procurant un gain mutuel. Pour ma part, je pense qu’elle est essentielle pour un avocat qui est amené de plus en plus à négocier dans ses dossiers. La négociation raisonnée permet de ne plus avoir à dire à son client qu’il « faut faire un compromis », ou « qu’il faut couper la poire en deux ». Un bon accord est un accord dans lequel l’autre partie est prise en considération, où il n’y a pas un gagnant et un perdant mais deux gagnants. C’est aussi un accord pérenne. Or, pour qu’un accord dure, il faut qu’il n’y ait pas de frustration ou qu’une des parties ait cédé à un rapport de force. Connaître le droit et savoir le manier ne suffit donc plus aujourd’hui pour être avocat.

A lire : L’apport de la négociation raisonnée dans la gestion d’un conflit, par Sylvie Adijes

Recréer du lien

Les avocats formés à la négociation raisonnée et/ou au droit collaboratif travaillent différemment avec leurs clients. « Séparer la relation du différend » permet de se rendre compte que l’autre et le problème ne font pas qu’un, et que l’autre n’est pas le problème. Ça évite de s’énerver inutilement : on est ferme sur l’objet du différend tout en restant respectueux et compréhensif du discours de l’autre. « Négocier sur les intérêts et non sur les positions » permet de passer du « je veux » à « pourquoi je le veux ». On sort ainsi d’une position de principe pour exprimer ses réels besoins ou préoccupations et on réfléchit aux besoins et préoccupations de l’autre. « Utiliser des critères objectifs » évite le fantasme sur la situation de l’autre et permet de travailler sur des éléments fiables (loi, usages, budgets, valorisation …) acceptés par les deux parties. « Imaginer des solutions procurant un bénéfice mutuel » permet aux parties de s’ouvrir le champ des possibles car à un problème il y a une multitude de solutions possibles, encore faut-il se donner la peine d’être un peu créatif.
On comprend bien comment grâce à cette technique de négociation, qui repose sur des principes précis, on peut préserver des liens, en recréer éventuellement de nouveaux, pour défaire ceux qui doivent l’être sans tailler dans le vif et risquer une mauvaise cicatrisation.
La négociation raisonnée est particulièrement adaptée au droit de la famille car les enjeux sont de l’ordre de l’intime et il est difficile pour nos clients de dépasser leurs émotions pour adopter une attitude constructive. Les avocats formés peuvent vraiment jouer un rôle de facilitateurs. Défendre son client, c’est aussi l’aider à s’interroger sur ce qui est important pour lui afin qu’il regarde vers l’avenir.

(*) Sylvie ADIJES est formatrice à la négociation raisonnée et médiatrice.

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Le droit de la famille autrement

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